Vente de Cos Labory à Cos d’Estournel

La vente d’un cru classé en 1855 est toujours un évènement en Médoc!
Le cru classé de St Estèphe Cos Labory est le voisin immédiat du célébrissime grand Second Cos d’Estournel. Classé en 5ème rang des crus classés à St Estèphe en 1855,  il est moins médiatique, mais se goûte toujours à un très bon niveau, et à des prix nettement plus attirants. Conduit par la famille Audoy, il était jusqu’ici incontestablement  LA bonne affaire des crus classés.
Or il vient d’être racheté en 2023 par… son voisin immédiat, Cos d’Estournel, 2ème cru classé.
Nul ne sait à ce jour ce que Cos d’Estournel va faire de cette nouvelle acquisition: soit l’intégrer purement et simplement  en totalité à son second cru classé, soit (comme le permet le règlement des crus classés) conserver la marque classée 5ème « Cos Labory », mais redistribuer les vignes en récupérant les meilleures parcelles de Labory  qui sont aptes à  produire des jus du niveau Cos d’Estournel sans aucun problème,  et donc peuvent être vendues beaucoup, beaucoup plus cher. Bref et en tous cas 2021 sera le dernier millésime de Cos Labory 5ème CC version Audoy, que nous pourrons vous proposer.

Réflexions sur la vente d’un cru classé en 1855

Le cru classé de St Estèphe Cos Labory est le voisin immédiat du célébrissime grand Second Cos d’Estournel. Classé en 5ème rang des crus classés à St Estèphe en 1855, il est moins médiatique, mais se goûte toujours à un très bon niveau, et à des prix nettement plus attirants. Conduit par la famille Audoy, il était jusqu’ici incontestablement LA bonne affaire des crus classés.
On a appris ce mois-ci qu’il à été racheté en 2023 par… son voisin immédiat, Cos d’Estournel, 2ème cru classé.
Le prix annoncé pour les 35 et quelques hectares du château est de 2,5 M€ l’hectare ce qui semble plutôt raisonnable dans l’appellation. On peut apprécier que l’acheteur soit un exploitant expérimenté, et non un fonds d’investissement hors domaine du Vin.
Il n’est pas inutile de rappeler à cette occasion que le célèbre classement officiel des Bordeaux établi en 1855 porte sur les marques et non sur les terroirs. Par conséquence chaque cru classé peut acheter des parcelles de vignes dans la même AOC et les intégrer à son cru, sous sa marque. Cette particularité est souvent ressentie par le public comme une anomalie, voire un abus, en opposition au règlement des crus classés de Bourgogne. Ceci est dû à la configuration géographique et géologique des terroirs de ces deux régions.

– En Bourgogne les classements (Villages, Premiers crus, Grands crus) portent sur des parcelles de vignes parfaitement identifiées. On ne peut ainsi vinifier un cru classé qu’avec les pieds de vigne plantés sur son « climat » (parcelle de terroir en Bourgogne) parfaitement identifié dont chaque bouteille porte le nom.
Plusieurs propriétaires peuvent posséder une partie de chaque premier ou grand cru : ils ont droit d’utiliser le nom de ce cru pour les bouteilles qu’ils y produisent.
Il existe par exemple plus de 80 propriétaires de Clos Vougeot, ce qui donne, suivant l’emplacement sur la pente du Clos (par exemple en haut, au milieu, ou en bas) des vins de qualités et de prix différents.  A l’opposé la Romanée Conti n’appartient qu’à deux familles : Leroy et de Villaine qui en partagent l’exclusivité.
Ce classement spécifique aux crus de Bourgogne, pratiquement intangible, est dû au fait que les sols et les sous-sols, nés du choc de l’émergence des Alpes, virent leurs strates redressées à la verticale, et sont d’une extrême diversité avec parfois des différences importantes au mètre près entre les « climats ».  Ces différences furent parfaitement identifiées au fil des siècles notamment par les moines qui les cultivaient.

– En Bordelais  le système de classement est très différent : existe une similitude, une unité, beaucoup plus grandes entre les terroirs d’une même appellation  due au fait que les sous-sols, autrefois sédimentaires sous la mer  (avant la baisse du niveau de l’océan),   ont ensuite été recouverts au fil des millénaires par les fleuves dont notamment la Garonne et la Dordogne, qui ont roulé des graves et des argiles en terrasses fluviatiles formant un système de strates superposées; les sols et sous-sols sont  à la fois beaucoup plus vastes et plus cohérents entre eux qu’en Bourgogne.
Au fil des siècles, là aussi, l’homme a su distinguer quels étaient les terroirs les plus adaptés à la vigne, pour chacun des nombreux cépages traditionnels qui y prospèrent (par exemple en Médoc, Merlot, Cabernet franc et Cabernet sauvignon.)  On reconnaît des similitudes de style entre les vins produits sur chaque vaste appellation. Il y a un « style » Margaux, assez différent de celui de « Saint Estèphe » ou de » Pauillac »
L’influence de l’homme qui connait bien les  sols et son sous-sol de son château, et qui vinifie son vin, sous sa marque, dans chaque appellation, est donc très importante : c’est lui qui fait la différence à la mise en marché. A Bordeaux le classement du nom, de la marque commerciale, sont prioritaires pour intéresser l’acheteur.
Dans l’exemple qui nous intéresse aujourd’hui,( l’appellation Saint-Estèphe), des ressemblances assez importantes existent entre le second cru classé Cos d’Estournel et le cinquième Cos Labory.  Sur 30 hectares ou plus de Labory il y a ci et là des parcelles de vignes qui donnent des jus du même niveau que chez Cos d’Estournel, et aussi d’autres qui donnent seulement des seconds vins. (Les deux propriétés au XIX ème siècle, d’ailleurs, avant le classement de 1855, n’en faisaient qu’une)
Lorsqu’un propriétaire de cru classé, par exemple à St Estèphe, achète une vigne de la même appellation  il lui appartient de juger si tout ou une partie des vins qu’elle produit méritent ou pas de rentrer dans sa marque classée Saint Estèphe, (ou dans une autre sous-appellation  comme en l’occurrence Haut-Médoc ou Bordeaux.
Si le vin qu’il en tire n’est pas digne de son rang au classement, le risque pour lui est de voir sa marque dépréciée et dévaluée sur le marché.

A l’inverse des 5èmes crus classés comme Lynch Bages ou Pontet Canet ont su au fil des décennies, conduits par des propriétaires inspirés, rehausser leur niveau pour qu’il soit comparable et noté comme des troisièmes voire des seconds CC, avec en prime, d’ailleurs des prix comparables sur le marché.

Ce qu’il reste à Sovinat de la famille Audoy en St Estèphe Cos Labory et Andron Blanquet