La Lettre de Mon Jardin n°213 – Mars 2024


1 mètre  de neige le 20 février 1956 au Cap Ferret…
Le  20 Février 1956  il y avait plus d’un mètre de neige sur le bassin d’ Arcachon (!), et la Garonne à Bordeaux,  comme une Néva, charriait des blocs de glace sous le Pont de Pierre par moins 15 ° en plein jour ! Les bizarreries du climat de l’hiver 2024. Nous venons de vivre entre Janvier et Février 2024 un drôle d’hiver ! Les températures ont souvent tourné autour des 20 ° le jour, et très très rarement moins de  3 ° la nuit… On se croirait en Avril…Le jardin se pose des questions, je le sens bien ! Les rosiers ont pris le risque. De nombreux arbustes, dont le tulipier et le lilas avaient déjà fleuri deux fois en 2023, au printemps, et à l’automne, après la période des grandes chaleurs de l’été. Et voici que cela recommence en février 2024, très tôt, trop tôt sans doute. Le temps tiède et printanier, et même parfois franchement chaud, les incite à fleurir déjà pour la troisième fois en moins d’un an! L’odorante floraison d’or des mimosas tire déjà à sa fin ! Même notre petit abricotier s’est couvert de ses délicieuses petites fleurs roses et blanches avec un bon mois d’avance…bien risqué tout ça ! Une nuit un peu gélive … et finie la récolte !Depuis plusieurs jours, sans que le froid revienne vraiment, nous devons supporter une pluie lourde, constante, à grosses gouttes qui sans doute va regonfler les nappes phréatiques ….mais que chacun, évidemment, trouve fort désagréable. Elle pourra j’espère alimenter le puits du jardin, à sec depuis plus de 7 mois, interdisant tout arrosage, ce qui serait de nouveau bien ennuyeux pour la saison 2024,  et pour la vigne, me direz-vous ? 


Tout va bien, pour  François Despagne du Château Grand Corbin Despagne à St Emilion.
« Il est tombé en 5 mois, depuis octobre dernier 700 mm de pluie (alors qu’en temps normal Bordeaux en reçoit en moyenne 900 mm par an) et c’est très favorable pour le vignoble. Les réserves sont reconstituées, les argiles sont regonflées et saturées d’eau. En ce moment la vigne est encore en dormance, poursuit-il, rien ne bouge, aucun bourgeon, malgré les 20° à 22 ° de température de Février.  Par contre il y a eu depuis plusieurs mois un grand déficit de lumière avec toute cette pluie, et des jours de soleil seraient les bienvenus, mais sans incidence sur nos ceps. On est encore loin, poursuit François, des saints de glace, qui marquent traditionnellement (plus ou moins) et depuis des siècles la fin des risques de gels de printemps…
Donc pas de soucis du côté vignoble. Et, remarque ce grand vigneron, Bordeaux vient de connaître depuis 10 ans, une succession fabuleuse de grands millésimes comme on n’en avait jamais connu au préalable sur nos 120.000 hectares de vignes bordelaises ; le tout sans dérapage notable des prix, pour 95 % d’entre eux,
 alors que jamais les vins de Bordeaux n’ont été aussi bons, et restent pour l’essentiel les meilleurs rapports prix-plaisir du pays… 


Actualité – Le Concours Général Agricole de Paris, dit « CGA »
C’est, à Paris, l’endroit où il faut être chaque année en Février ; J’ai souvent participé par le passé comme juré, au concours des Vins de France. Il fut créé sous Napoléon III, en 1864, et concernait initialement surtout l’élevage : on y présentait bœufs, moutons, chèvres et porcs. Dès 1870 il fut ouvert aux vins, cidres, bières, et eaux de vies ; depuis, chaque année, sont distribuées des médailles d’Or, Argent et Bronze à des centaines de produits de toutes régions. Pour les vins, les lauréats gagnent le droit d’afficher un macaron délivré par le CGA sur le devant du flacon.
Quelle est la crédibilité de ce concours pour les vins ? me demande-t-on souvent.
La réponse me semble devoir être nuancée. Les vins sont d’abord présélectionnés sur échantillons dégustés dans chaque région : ne sont retenus, pour se présenter à Paris, que la moitié des candidats environ, ce qui élimine déjà 50 % des moins méritants. Le jour du Concours, les rescapés sont jugés à Paris dans le cadre du CGA par des groupes d’une douzaine de bouteilles, d’une même année et dans la même appellation. La dégustation a lieu en silence, à l’aveugle, sur des tables constituées en jurys de 5 à 8 personnes. Ces jurys sont composés d’au moins deux tiers de professionnels de la filière vin et peuvent comporter au plus un tiers d’amateurs volontaires. Les jurés, s’ils sont eux-mêmes producteurs de vins ne sont jamais affectés à une table de leur appellation.
Il appartient aux jurés, parfaitement libres, de décerner ou non en fin de dégustation les médailles aux vins goûtés. Chaque année, la moitié environ des vins présentés (soit le quart des postulants initiaux) reçoit suivant son rang, une médaille d’Or, d’Argent ou de Bronze. Chaque lauréat pourra s’en prévaloir pour le millésime dont il est lauréat en collant sur ses bouteilles un macaron correspondant à sa récompense, et qui est délivré exclusivement par le CGA.
Cette manière collégiale de goûter est donc un peu l’antithèse de la façon de noter des dégustateurs professionnels, journalistes ou œnologues. Elle a par contre l’avantage de présenter et faire goûter à de nombreux membres des jurys des vins parfaitement anonymes. 
Une médaille, pour une année, peut être due à un heureux hasard et ne signifie pas grand-chose, sauf que le vin a plu, un jour, à un groupe de dégustateurs assemblés en jury, ce qui n’est pas rien, mais reste insuffisant.
En revanche, comme me le disait le grand-père Mestreguilhem du Château Pipeau à St Emilion :« Si une seule médaille ne veut rien dire, par contre ce n’est jamais par hasard qu’un producteur obtienne régulièrement, tous les ans,  des médailles et notamment celle d’Or au Concours Général Agricole… On peut avoir de la chance une fois, mais pas tous les ans ! » 
Qui est champion du monde du nombre de bouteilles bues par personne et par an ?
Chacun croit savoir que c’est la France. Erreur! Une étude statistique démontre que c’est le Vatican qui, de tous les pays du monde a la plus forte consommation de vin par personne y habitant ! Cette statistique révèle que chacun des 800 et quelques résidents au Vatican consomme en moyenne 50 litres de vin par an, soit 67 bouteilles par tête. Pour info sachez que la France se situe seulement à 40 litres/an soit environ 55bouteilles par an, nombre en baisse constante, d’ailleurs, depuis de nombreuses années.
A cette nouvelle le Français, un peu vexé, s’étonne. Serait-ce lié au vin de messe ?  C’est peu probable, car même si on célèbre de nombreuses messes au Vatican, la quantité de blanc utilisée pour chaque office est habituellement faible, et par ailleurs il s’agit d’un « vin blanc de messe » très particulier, et non d’un vin rouge classique ne rentrant sans doute pas dans les statistiques. Sont-ce les pèlerins, évidemment nombreux, qui consomment sur place ? L’idée surprend un peu, on n’imagine pas les fidèles prier avec le verre à la main. Et Rome regorge de très bons restaurants, très proches tout autour et hors du Vatican. On a vérifié, il n’y a pas de vin en vente à l’unique supermarché duty-free du Vatican.  Il existe des raisons liées à la typologie de la population : on trouve au Vatican une proportion élevée d’hommes célibataires, plutôt âgés (population réputée boire plus de vin par tête que les femmes sans enfants – comme les religieuses locales) et qui conduisent peu eux-mêmes leur voiture » Ce qui peut fausser le calcul… A noter que si l’on en juge à l’âge moyen de l’Homo Vaticanus, qui semble statistiquement élevé, on peut conclure que l’usage quotidien assez important du vin assure une belle et heureuse longévité !
Quoiqu’il en soit, la France « fille aînée de l’Eglise » se doit de se montrer digne de son historique maman ! Relevons le défi, que diable… (…
oh, pardon!) Je n’ai pas de commentaire à faire… C’est assez clair comme cela !!!                                                                                                                                J-Ch Estève

  « On suit toujours le sens de l’Histoire quand on la pousse devant soi » (Alexandre Vialatte)