La lettre de mon jardin Avril 2024 n° 214

Cher ami du vin, Les dégustations de Primeurs 2023 sont en train de commencer à Bordeaux. La confection d’échantillons représente l’utilisation, pour certains châteaux, d’une ou deux barriques de vin, voire même de trois, soit 300 à 900 bouteilles… Qui l’eût dit?Nos premières impressions sur ce  millésime 2023 sont très intéressantes; il semble que l’on aborde avec cette récolte 2023 un millésime de grande qualité. Une nouvelle fois, me direz-vous ? Pourquoi cacher notre satisfaction, vous répondrai-je !Jean-Christophe Estève.PS: Voici l’avis à ce sujet d’un vigneron respecté,  Jean-François Delon, président du Syndicat Viticole des Saint-Estèphe. 
« 2023 appartient aux années chaudes et précoces, peut-être d’un nouveau genre en raison d’une saison viticole tropicale ! On retiendra de ce millésime des températures estivales largement au-dessus des moyennes trentenales sur une longue période de plus de quatre mois, de fin mai à mi-octobre, mais sans excès. L’année a pourtant mal commencé avec des conditions météorologiques éprouvantes. Rarement les attaques de mildiou auront été aussi fortes ! La pluviométrie du printemps et de l’été nous a fait craindre le pire et nous a contraints à redoubler de vigilance et d’efforts. Toutefois, cette pluviométrie, essentiellement marquée par des épisodes pluvio-orageux, est restée légèrement déficitaire par rapport à la normale et très hétérogène en fonction des secteurs géographiques. Enfin les conditions très chaudes de fin août et début septembre expliquent de toute évidence la réussite du millésime. En effet, les raisins ont non seulement tenu bon mais ils ont surtout profité des canicules pour parfaire leur maturité tout en conservant les acidités. Une bénédiction ! Une fois de plus, nos terroirs drainants et frais ont prouvé leurs grandes aptitudes, démontrant leur résilience et leur capacité d’adaptation à des conditions météorologiques exceptionnelles. Finalement 2023 est une agréable surprise. C’est un millésime équilibré qui marie admirablement concentration et fraîcheur…. Il s’inscrit dans la tendance du consommateur d’aujourd’hui, mûr en bouche et frais au nez. »                                                                     Jean François Delon
Gastronomie: comment marier l’asperge?C’est sur les marchés le grand moment des asperges, vertes ou blanches… et des problèmes pour les associer au vin, éternel dilemme ! Car si d’abord la vinaigrette, délicieuse, ne plaît qu’à peu de bouteilles, la fine amertume de l’asperge,  surtout, ses nuances vertes, végétales, sont périlleuses à marier au vin.Je ne connais d’accord presque parfaitqu’avec le Condrieu, ce blanc du Rhône magnifique aux notes de violette, dont la puissance enrobe l’asperge et peut dominer la sauce. Ou alors, un pinot gris sec d’Alsace, le vin ‘’mission impossible’’ idéal qui  peut être une  solution à moindre mal. Le Pinot gris, qu’on appelait autrefois Tokay en Alsace,  prend toute sa place sur la table si l’asperge est cuisinée en omelette, à la graisse de canard comme nous la faisons dans le Sud Ouest. Et pour finir, certains blancs de sauvignon de l’entre-deux-mers  sont capables de s’accorder avec les asperges blanches à la vinaigrette
LES GELS DE PRINTEMPS SUR LA VIGNE.Le millésime 2024 vient en Avril de connaître son premier moment important avec la naissance des bourgeons sur la vigne. Encore frais, délicats, ils sont pour le moment très fragiles; le vigneron craint c’en mai, longtemps après les « Saints de Glace » qui dans le mythologie du viticulteur marquent la fin du danger, suivant le dicton :  » Avant Saint-Servais, point d’été ; après Saint-Servais, plus de gelée.« 
Cette année, les Saints de Glace  tombent du 13 au 15 Mai, ce qui peut sembler éloigner les risques si l’on en croît le dicton… Mais tout peut arriver encore !
Dégats du gel de printemps sur une vigne
Rappelons nous 1961 : un gel catastrophique eut lieu dans la nuit du 12 mai, détruisant une vigne déjà en fleur et réduisant pratiquement tout espoir de belle récolte. Pourtant, par extraordinaire, il fut suivi dès la mi-mai d’une superbe période continue de très beau temps : les contrebourgeons purent miraculeusement se développer et produisirent un millésime de petit volume, certes (50 % de perte à  Latour en 1961 par exemple), mais d’une qualité étonnante. Fin des années 70, une dégustation des 1ers crus classés de Bordeaux de 1961 fut organisée si je me souviens bien,  par la revue Cuisine et Vins de France; j’eus le privilège d’y être convié. Elle eut lieu au Château Ausone à St Emilion et m’a laissé le souvenir, émerveillé, d’un moment inoubliable. Présentés à l’aveugle, il y avait les 1961 de Lafite Rothschild, Latour, Margaux, Haut Brion, Cheval Blanc, Ausone, et Pétrus… Excusez du peu!  Hé bien, tous ces 1961 étaient magnifiques ! Pas mal pour une année de gel de mai, n’est-ce pas ? Pour la petite histoire, le vainqueur de ces crus classés de la dégustation des 1961 fut, si je m’en souviens bien, Latour, l’un des plus grands que j’aie jamais goûtés, suivi de Haut Brion et ensuite Pétrus, puis, dans un mouchoir de poche, Margaux, Lafite, Cheval Blanc et Ausone. Quel souvenir ! 
Si quelqu’un voulait un jour refaire cette dégustation et recherchait des jurés, nul doute qu’il en trouverait aisément! Mais je me porte ici officiellement candidat ! 

Citation : Un petit verre de vin, c’est comme une robe légère, une fleur de printemps, c’est le rayon de soleil qui vient égayer la vie. (Christian Dior)
Et un grand verre, je vous le laisse imaginer ! (J. Ch. Estève)